« Sais-tu me dit un vieil ami congolais que chez nous le passage d’un âge à un autre nécessite un examen ? » Je le regarde interloquée. » Non, non, dit-il en riant, pas un de ceux que vous pratiquez dans vos universités, où il faut rendre coûte que coûte un savoir ingurgité à la sauvette. Un exemple. Ton âge ? Ah oui ! Pour entrer dans le clan des 38 ans, il te faudrait donner la preuve que les plantes prospèrent entre tes mains et que vient à germination tout ce que tu plantes. Si, à cet âge, le règne végétal reçoit mal ta présence, c’est que quelque chose en toi est bloqué, atrophié, et te rend dangereuse pour la communauté. Ce serait signe que tu as malmené ton corps et ton âme; il serait alors urgent de te reprendre. »
« Et toi, lui dis-je, quelle épreuve t’attend ?
– À cinquante-deux ans, trois jours et trois nuits me sont accordés pour aider une famille, éplorée par la mort d’un membre aimé, à surmonter son désespoir, puis à le transmuter. Si j’y parviens, je suis admis parmi les miens. »
Et il ajoute, soulignant ses paroles de l’envolée de ses longues mains noires qu’exalte la doublure claire des paumes : « Ainsi notre responsabilité devant la création s’accroît-elle avec les années, semblable à ces ondes autour d’un jet de pierre dans l’eau dont les cercles vont s’agrandissant jusqu’au rivage. Parvenu au tout dernier stade et accueilli parmi les anciens, je serai responsable du lever du soleil. »
Christiane SInger, Les âges de la vie.
Que faire pour le monde ?