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Je prends conscience à cette heure que depuis mes premiers balbutiements d’auteur au début des années 80, je n’ai fait que m’écrire. Qu’il s’agisse de romans initiatiques, d’essais sur la mondialisation, la décroissance, la simplicité volontaire, puis, aujourd’hui, la spiritualité, je tisse un fil de connaissance – qui est naissance à soi – depuis un futur que je postule déjà accompli et qu’il m’appartient de réaliser au présent.

À rebours de ce que j’ai longtemps imaginé, la spiritualité n’a pas pour fonction de nous élever vers des cieux éthérés, mais, tout au contraire, de nous incarner dans la matière, où, là seulement, il est possible de nous dresser : destin de l’Homme de se tenir debout, de marcher dans le ciel, les pieds ancrés au sol.

En 2009, ayant eu le sentiment d’avoir fait le tour de la critique du système mondialisé qui, après avoir produit la Shoah, l’équilibre de la terreur nucléaire, la marchandisation du vivant se prépare aujourd’hui au transhumanisme, j’écrivis avec ma compagne un livre d’entretiens avec « 8 veilleurs pour notre temps » dans lequel nous interrogions les sous-tendus spirituels de la crise de civilisation qui parvient à cette heure à son acmé. (Nous réconcilier avec la terre, éd. Flammarion).

Il me fut alors évident que c’était ce chemin qu’il m’appartenait dès lors d’explorer. Il m’aura fallu pas moins de dix ans, de tâtonnement en tâtonnement, pour réformer mon propre mode de pensée et ainsi me libérer de mes vieux schémas, acquis dès avant la naissance, au cours de la maturation fœtale, puis remis sans cesse sur le métier : à l’école, au catéchisme, dans l’éducation parentale, les médias… Durant ce temps j’écrivis des textes épars, lesquels, s’ils tissaient une toile où se tramaient entre elles des formes-pensées, ne formaient pas encore une unité. C’est durant le premier confinement, qui me fut une merveille, au cours duquel j’accompagnais des jeunes gens sur leurs chemins de libération de la pensée préformatée par leur aînés et animais un atelier de philosophie pour des enfants de 5 à 9 ans, découvrant alors, à ma stupéfaction, qu’ils arrivaient au monde avec les réponses aux questions que se posent leurs parents que le déclic se produisit.

Un soir, sur ma terrasse, j’adressai une demande à l’univers. Je suis prêt, dis-je, voilà 45 ans que j’apprends à écrire. Si tu as quelque chose à me confier, c’est le moment. J’entendis alors clairement une voix dans ma tête qui énonçait le titre de la collection qui voit le jour à cette heure: Aux enfants de la Terre. À partir de là tout se mit tout naturellement en place. Il me suffisait d’écrire ce qui venait, d’écrire et d’écrire encore, jusqu’à 16 h par jour, revenant chaque matin sur la forme de la veille, peaufinant et peaufinant encore.

Il me restait alors à trouver l’éditeur susceptible de m’accompagner sur ce nouveau chemin de moi-même, quand, me confiant à une amie de passage, celle-ci me parla des éditions Louise Courteau, établies au Canada, et qu’un éditeur français était en train de reprendre. J’allais sur le site, où il m’était demandé de ne pas envoyer de manuscrit mais de présenter mon projet, ce que je fis de manière succincte en joignant le premier chapitre d’un des 4 livres qui étaient formalisés. Le lendemain, à 7 h, je recevais un message en réponse avec cette seule phrase « C’est bien évidemment oui ». L’aventure qui commença alors demanda encore quelques temps pour se concrétiser : celui pour moi de comprendre que pour écrire des ouvrages sur la connaissance de soi, je n’en étais pas encore à me reconnaître moi-même. Ce vieux mythe de « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et mon âme sera bénie », que je psalmodiais enfant au catéchisme et qui, sans m’en rendre compte, m’avait colonisé de l’intérieur.

Cela est désormais fini. Je n’attends plus d’aucune parole qu’elle me guérisse de mon indignité supposée. Nul ne peut me guérir de ce que « je » pense de « moi ». Il suffit juste de renvoyer cette vieille pensée aux oubliettes. Nous ne sommes coupables de rien. Seulement responsables de nous-mêmes. Ce qui est une toute autre paire de manche.

Merci à Patrick Pasin d’avoir attrapé la main que je lui tendais. À moins que ce fut l’inverse !